Le récit

Samuel Sery
08h08
Je me revois petit et pieds nus, dans les rues de ma terre natale,
l’île de la Réunion.
Toujours des tas de brindilles dans les mains, à construire des cabanes, blotti dans les arbres. Les pieds dans le sol ; sentir la Terre.
J’abaisse lentement les paupières et le sud de mon enfance se réanime : les pins et les grillons. Le soleil franc qui m’offre
un dégradé de bleu en miroir sur les vagues.
Les chapeaux de mon père acquis au gré de ses voyages,
ça et là sur des coins de mur.
C’est donc cela, les inspirations? 
Les champs de blé ou de colza qui apparaissent comme un flash ou une caresse de la campagne, celles des Ardennes. Aussi une partie de mon enfance.
Sans doute pour cela que j’affectionne tout spécialement le grain dans le coton beige.
Celui qui est solide.
Ce n’est pas un spectre, mais plutôt une forme de dédoublement très doux qui accompagne mes recherches en étant toujours relié à la part du jeune garçon que j’étais.
La volonté de rareté et de singularité : le fond de toile de mon travail.
J’aime jongler avec le temps, le passé et le présent en binôme.
Je chéris le mix des époques.
Je vous ai dit que j’aimais observer l’ombre des plantes aussi ? En fait, j’adore les choses simples comme la quiétude d’un lieu à soi.
A travers mes expérimentations, mes dessins, mes angles de vue, différents, décalés, déjantés, dépoussiérés, déconstruits, dépareillés se nichent l’idée poétique et créatrice de saisir un instant, un moment.

De rendre le passé au présent.
Qui fera écho à votre madeleine de votre enfance toute à vous : d’un plat partagé sur un coin de table, du goûter de la mamie, du jeu de cartes caché dans le tiroir ou du bain de mer qui brûle les yeux, des espadrilles trop grandes et mouillées, le rond de serviette avec le nom inscrit dessus, le morceau de caramel inatteignable au centre de la table, les coups de pieds sous cette même table… 
J’ai cette passion assez ardente, je dois l’admettre de faire vivre l’objet.
Donner la chance à des matières nobles qui auraient dû être jetées.
Accorder une deuxième histoire comme un fil tendu entre l’enfant que j’étais et l’homme qui évolue, interroge et cultive un nouveau monde respectueux de notre environnement - notre Terre.

Celui que je suis, Samuel Sery